Chroniques d'une Femme Active

Oeuvre de fiction inspirée de faits réels...

lundi 29 septembre 2008

Ma petite maman

Aujourd'hui, j'aimerais consacrer un 'post' à ma petite maman. Pour tout vous dire, j'appréhende cet exercice car je m'inquiète pour elle en ce moment. Penser à elle me serre toujours un peu le coeur...
Ma petite maman a eu 4 enfants, dont je suis l'aînée. Elle a choisi de rester à la maison, pour nous offrir la meilleure éducation possible et son sacrifice lui a parfois pesé plus qu'il n'aurait dû... Adolescente, ma relation avec elle a été du genre conflictuelle. Je pensais - à tort - qu'elle ne me comprenait pas et qu'elle ne voyait pas ma souffrance. En réalité, rien ne lui a échappé mais j'étais devenue si sauvage à cette époque qu'elle ne savait plus comment m'approcher...
Aujourd'hui, nos relations sont devenues calmes et sereines et je les apprécie énormément. Lorsque j'ai besoin d'un conseils, c'est toujours vers elle que je me tourne et j'ai accepté qu'elle puisse ne pas avoir toujours de réponse à mes questions. La phrase qui m'a le plus marquée venant d'elle a été : "On est toujours seul, au moment de prendre les grandes décisions." C'est vrai.
Je mange avec elle tous les midis depuis que j'ai commencé à travailler. Au début, nous étions 5 à table. Puis 4, puis 3 et maintenant, il n'y a plus qu'elle et moi. Mon frère travaille loin et est en pleine idylle, une de mes soeurs fait ses études à Perpignan. Seule ma plus jeune soeur vit encore à la maison.
Ma petite maman me fait de la peine. Voilà que, du jour au lendemain ou presque, elle se retrouve seule toute la journée dans sa grande maison. A midi, elle m'a avoué avoir pleuré hier et mon coeur s'est serré. Mon père ne comprend pas. Il pense tout lui offrir et c'est vrai qu'elle est à l'abri du besoin. Mais il ne sait pas lui parler, ni la consoler. Il n'arrive pas à lui remonter le moral. Je ne lui en veux pas, cependant : sa propre mère ne l'a jamais aimé et il est incapable de révéler la moindre émotion. Il s'est conditionné à vivre sa vie, sans émotions, sans questions. Tout ce qui sort de l'ordinaire lui fait peur. Alors, quand ma petite maman pleure parce que tous ses enfants quittent le nid, il s'énerve et la couvre de reproches.
Ma petite maman est fragile, je le sais. Oh, elle surmonte avec fierté tous les obstacles, elle reste toujours digne mais après coup... Quelques semaines ou mois plus tard, les premiers signes se manifestent : haleine alccolisée, réflexes amoindris, bouche empâtée. Je souffre de la voir comme ça, même si elle a déjà bien surmonté son problème d'alcool. Actuellement, cela ne lui arrive que très rarement, quand elle en a trop marre et que la vie l'écoeure trop.
Pendant mon adolescence, elle a traversé le pire. Je ne saurais dire quand elle a commencé à boire. J'avais 16 ans peut-être, le jour où elle a fait irruption dans ma chambre dans un état bizarre. L'après-midi, nous avions été en famille à une fête de village (fait exceptionnel, mon père détestant sortir et rencontrer du monde). Le soir, elle est venue dans ma chambre et m'a parlé de son amour de jeunesse qu'elle avait rencontré ce jour-là. Elle m'a dit que si elle n'avait pas épousé mon père, elle l'aurait épousé lui et elle n'arrêtait pas d'insister la-dessus. J'ai senti du regret dans sa voix. J'ai su pour la première fois qu'elle n'était pas toujours heureuse avec mon père.
Plus tard, elle a dit des choses très dures, sous le coup de l'alcool. Elle m'en voulait d'être née, d'avoir dû arrêter de travailler. Elle a remis toute sa vie en question à cause de ma naissance. J'ai voulu mourir cette nuit-là.
Puis il y a eu pire que les mots. Il y a eu sa déchéance. Totale. Nous ne savions plus quoi faire, nous ses enfants. Mon père ne bougeait pas et sa politique de l'autruche me rendait folle. Même quand il s'agissait de nettoyer son vomi, c'était à nous de le faire. Personnellement, ça ne m'est jamais arrivé car je ne vivais déjà plus à la maison. Mais mon frère et ma plus grande soeur l'ont fait et ils ont été traumatisés, surtout mon frère. Maintenant, il devient très méchant avec elle quand il remarque qu'elle a bu. Mais jamais un mot n'a prononcé de façon explicite.
Un jour que j'étais à la maison, ma petite maman a vomi. Le repas avait été tendu et tragique, mon père avait hurlé contre elle et l'avait fait sortir de table comme une petite fille. Elle est montée dans la chambre et on l'entendait sangloter. Mon père ne bougeait pas, il a fini son repas comme si de rien n'était puis s'est installé dans son fauteuil pour faire sa sieste. Soudain, nous avons entendu des hoquets et d'horribles gargouillis. Ma petite maman venait de vomir. J'ai regardé mon père. Son visage n'exprimait rien, comme s'il ne l'entendait pas. J'ai dû le supplier d'aller la voir pour qu'il bouge. Ils se sont parlés, longtemps, et après, il m'a semblé que ça allait mieux.
Je les aime tous les deux et je comprends leur souffrance. Ils n'arrivent pas à communiquer pleinement. Mon père est trop rigide, il semble trop insensible. J'aimerais tant qu'il ouvre les vannes. Un jour peut-être...
Ma petite maman était triste aujourd'hui et je ne sais pas comment lui remonter le moral. Plus exactement, je pense que ce n'est pas mon rôle et je sais qu'elle n'attend rien de tel de ma part. Elle est contente quand j'arrive, nous discutons beaucoup, de tout, de rien, de l'actualité, de notre famille. J'ai beaucoup de chance d'avoir une petite maman comme ça, si formidable, si présente. Je me dis : "Un jour, elle aura des petits enfants, ça ira mieux." Le problème, c'est que je ne me sens pas prête à avoir moi-même des enfants... Mais ça, c'est une autre histoire.

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